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IVANHOÉ.

que le nom de de Bracy a déjà été prononcé devant vous, lorsque les ménestrels ou les hérauts ont eu à louer les actions de la chevalerie, soit dans la lice, soit sur les champs de bataille.

— Laissez donc le soin de vos louanges aux hérauts et aux ménestrels, messire chevalier, répondit Rowena ; elles conviennent mieux à leur bouche qu’à la vôtre. Dites-moi lequel d’entre eux devra célébrer, dans ses chansons ou dans ses chroniques, la conquête mémorable de cette nuit sur un vieillard suivi de quelques paysans timides ; célébrer votre butin : une malheureuse jeune fille transportée contre son gré au château d’un bandit ?

— Vous êtes injuste, lady Rowena, dit le chevalier en se mordant les lèvres de confusion et en prenant un ton qui lui était plus naturel que celui de cette galanterie affectée qu’il avait d’abord adopté ; à l’abri de la passion vous-même, vous ne voulez admettre aucune excuse pour le délire de celle d’un autre, bien que ce soit votre beauté qui l’ait causé.

— Je vous prie, messire chevalier, dit Rowena, d’abjurer un langage si communément employé par les ménestrels vagabonds ; il se trouve déplacé dans la bouche des chevaliers et des nobles. Certainement, vous me forcez à m’asseoir, puisque vous entamez un sujet si vulgaire, que le premier venu en a une provision qui pourrait durer jusqu’à Noël.

— Fière damoiselle, dit de Bracy, irrité de voir que son style galant ne lui attirait que du mépris, fière damoiselle, on te rendra orgueil pour orgueil : sache donc que j’ai soutenu mes prétentions à ta main de la manière qui convenait le mieux à ton caractère. Mais il paraît que tu préfères être courtisée avec l’arc et la hache, plutôt qu’avec des phrases polies et avec la langue de la courtoisie.

— La langue de la courtoisie, reprit Rowena, quand on l’emploie pour cacher la grossièreté des actions, ressemble à la ceinture d’un chevalier qui ceint la taille d’un vil manant.