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IVANHOÉ.

propre à gagner le bélier dans une lutte corps à corps, ou l’anneau dans un combat au gourdin, ou bien encore le bouclier à l’escrime, qu’à dissiper ainsi votre temps dans cette solitude en disant des messes et vivant de pois secs et d’eau claire.

— Messire chevalier, répondit l’ermite, vos pensées, comme celles des ignorants laïques, sont selon la chair. Il a plu à Notre-Dame et à mon saint patron de bénir la pénitence à laquelle je me réduis, comme les légumes et l’eau furent autrefois bénis pour les enfants Sidrach, Misach et Abednago, qui burent cette même eau plutôt que de se souiller avec les vins et les mets qui leur furent servis par l’ordre du roi des Sarrasins.

— Saint père, dit le chevalier, vous sur la figure duquel il a plu au Ciel de faire un pareil miracle, permettez à un pauvre pécheur de vous demander votre nom ?

— Tu peux m’appeler le clerc de Copmanhurst, répondit l’ermite, car c’est ainsi que l’on m’appelle en ce pays. On y ajoute, il est vrai, l’épithète de saint ; mais je n’y tiens pas, me sentant indigne d’une telle addition. Et maintenant, vaillant chevalier, pourrais-je te prier de me dire le nom de mon honorable convive ?

— Vraiment, dit le chevalier, saint clerc de Copmanhurst, les hommes m’appellent en ce pays le chevalier noir. Beaucoup y ajoutent l’épithète de fainéant, épithète par laquelle je n’ai aucunement l’ambition d’être distingué.

L’ermite put difficilement s’empêcher de sourire à la réplique de son hôte.

— Je vois, dit-il, messire chevalier Fainéant, que tu es un homme prudent et de bon conseil, et, de plus, je vois que ma pauvre table monastique ne te plaît pas, peut-être parce que tu es accoutumé à la prodigalité des cours, et à la licence des camps aussi bien qu’au luxe des cités. Et maintenant que j’y pense, messire Fainéant, lorsque le charitable garde de cette forêt a laissé ses chiens sous ma