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pérés, lesquels, pendant cet interrègne, étaient assujettis à toute espèce d’oppressions secondaires. Les seigneurs, dont le pouvoir était devenu insupportable pendant le règne d’Étienne et que la prudence de Henri II avait à peine réduits à une espèce d’inféodation à la couronne, avaient maintenant repris leur ancienne licence dans toute son étendue, méprisant la faible intervention du conseil d’État d’Angleterre, fortifiant leurs châteaux, augmentant le nombre des gens qui relevaient d’eux, réduisant tout ce qui les entourait à une sorte de vasselage et s’efforçant, par tous les moyens possibles, de se mettre chacun à la tête de forces suffisantes pour jouer un rôle dans les convulsions nationales qui semblaient imminentes.

La position de la petite noblesse ou des franklins, comme on disait alors, qui, d’après la loi et l’esprit de la constitution anglaise, avait le droit de se maintenir indépendante de la tyrannie féodale, devenait maintenant plus précaire que jamais. Il est vrai que si, comme il arrivait habituellement, ils se mettaient sous la protection d’un des petits tyrans de leur voisinage, qu’ils acceptassent des charges dans son palais, ou s’obligeassent, par des traités mutuels de protection et d’alliance, à le soutenir dans ses entreprises ; il est vrai, disons-nous, qu’ils pouvaient jouir d’un repos temporaire ; mais ce devait être par le sacrifice de cette indépendance qui était si chère à tous les cœurs anglais, et en courant le hasard d’être enveloppés comme partisans dans toute expédition, si téméraire qu’elle fût, que l’ambition de leur protecteur le poussait à entreprendre.

D’un autre côté, les moyens de vexation et d’oppression que possédaient les grands barons étaient si étendus et si multiples, que jamais ils ne manquaient ni de prétexte ni de volonté pour poursuivre, harasser, pousser enfin aux dernières limites de la destruction ceux de leurs moins puissants voisins qui tentaient de se dégager de leur autorité, se reposant, pour leur salut pendant les dangers du temps, sur leur conduite inoffensive et sur les lois du pays.