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IVANHOÉ.

contenu du karum-pie pour des alouettes et des pigeons, tandis que c’étaient des becfigues et des rossignols, son ignorance l’exposa à un ridicule qu’il eût été plus juste d’attribuer à sa gloutonnerie.

Le long festin finit par avoir un terme, et, tandis que la coupe circulait librement, les hommes causaient entre eux des prouesses du vainqueur inconnu au jeu de l’arc dans le tournoi ; du chevalier noir, que son désintéressement avait engagé à décliner les distinctions qui lui étaient dues, et du vaillant Ivanhoé, qui avait payé si cher les honneurs de la journée.

Tous ces sujets furent discutés avec une franchise militaire, et la plaisanterie et les rires firent le tour de la salle.

Le front seul du prince Jean resta soucieux pendant ces conversations. Quelque chagrin accablant paraissait agiter son esprit, et ce n’était que lorsque ses partisans le rappelaient à lui-même de temps en temps qu’il paraissait s’intéresser à ce qui se passait autour de lui. Alors, il se relevait soudainement, vidait une coupe de vin pour ranimer sa gaieté, et se mêlait aux propos par quelque interrogation insolite et faite au hasard.

— Buvons cette rasade, dit-il, à la santé de Wilfrid Ivanhoé, le héros de cette passe d’armes, en regrettant que sa blessure le tienne absent de notre table. Que chacun remplisse sa coupe pour ce toste, et surtout Cédric de Rotherwood, le digne père d’un fils qui promet tant.

— Non, monseigneur, répliqua Cédric en se levant et en déposant sur la table sa coupe intacte, je n’accorde pas le nom de fils au jeune homme désobéissant qui méprise à la fois mes ordres et abandonne les us et coutumes de ses pères.

— C’est impossible, s’écria le prince Jean en feignant l’étonnement, qu’un chevalier si vaillant soit un fils indigne ou désobéissant.

— Cependant, monseigneur, répondit Cédric, il en est ainsi de Wilfrid ; il a quitté ma modeste maison pour se mêler à la joyeuse noblesse de la couronne de votre frère,