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IVANHOÉ

employés seulement sur les tables de la haute noblesse.

Des vins exquis, tant indigènes qu’étrangers, mettaient le comble au luxe du festin.

Mais, bien qu’adonnés au luxe, les seigneurs, en général, n’étaient pas d’une race intempérante. En se livrant aux plaisirs de la table, ils recherchaient la délicatesse et évitaient les excès, et avaient l’habitude de reprocher l’ivrognerie et la gloutonnerie aux Saxons vaincus, comme des vices inhérents à leur basse condition.

Le prince Jean, à la vérité, et ceux qui cherchaient à lui plaire en imitant ses défauts, aimaient à se livrer aux plaisirs de la table. On sait que sa mort eut pour cause une indigestion causée par des pêches et de l’ale nouvelle. Sa conduite, toutefois, offrait une exception à celle de ses compatriotes. Avec une gravité moqueuse, seulement interrompue par des signes particuliers qu’ils se faisaient entre eux, les chevaliers normands observèrent le maintien rude d’Athelsthane et de Cédric pendant le banquet, à la forme duquel ils n’étaient pas habitués. Ce fut tandis qu’ils étaient l’objet d’une attention railleuse que les Saxons ignorants transgressèrent, à leur insu, plusieurs des règles arbitraires qu’on avait établies pour l’observation des convenances. Or, on sait bien qu’un homme est reconnu comme plus excusable en violant les lois morales, qu’en paraissant ignorer la moindre minutie des lois de l’étiquette.

Aussi Cédric, qui essuya ses mains avec une serviette au lieu de faire évaporer l’humidité en les secouant avec grâce en l’air, encourut-il plus de ridicule que son compagnon Athelsthane avalant à lui seul un pâté entier composé des friandises étrangères les plus exquises, et qu’on nommait en ce temps un karum-pie. Quand on s’aperçut, par un examen plus approfondi, que le thane de Coningsburg, ou le franklin, comme disaient les Normands, n’avait nulle idée de la chose qu’il venait de dévorer, et qu’il avait pris le