Page:Scott - Ivanhoé, trad. Dumas, 1874.djvu/150

Cette page a été validée par deux contributeurs.
144
IVANHOÉ

comme celle de Goliath le Philistin, pouvait se comparer à la navette d’un tisserand.

En se retournant pour recevoir la réponse de Rébecca, il s’aperçut que, pendant son colloque avec Gurth, elle avait quitté la chambre sans qu’il le remarquât.

Sur ces entrefaites, Gurth avait descendu les escaliers et avait gagné l’antichambre obscure ou vestibule, et était embarrassé de trouver la porte de sortie, lorsqu’une forme blanche, éclairée par une petite lampe d’argent qu’elle tenait à la main, lui fit signe d’entrer dans une salle latérale. Gurth éprouva quelque répugnance à obéir à cet appel. Rude et impétueux comme un sanglier pour les dangers terrestres, il avait toutes les terreurs caractéristiques de l’esprit saxon relativement aux faunes, aux démons des forêts, aux dames blanches et à toutes les superstitions que ses ancêtres avaient importées des déserts de l’Allemagne. Il se rappela encore qu’il était dans la maison d’un juif, c’est-à-dire d’un homme appartenant à ce peuple qui, outre les mauvaises qualités que le vulgaire lui attribuait, passait pour fournir des magiciens profonds et cabalistiques. Néanmoins, après un moment d’hésitation, il obéit à l’appel du fantôme et le suivit dans l’appartement indiqué, où il s’aperçut, à sa joyeuse surprise, que sa gracieuse conductrice était la belle juive qu’il avait vue au tournoi et pendant quelques instants dans l’appartement de son père.

Elle lui demanda sur sa transaction avec Isaac des détails qu’il rapporta fidèlement.

— Mon père a voulu plaisanter avec toi, brave homme, dit Rébecca. Il doit à ton maître une reconnaissance dix fois plus forte que le prix de ces armes et de ce coursier. Quelle somme as-tu payée tout à l’heure à mon père ?

— Quatre-vingt sequins, reprit Gurth surpris de la question.

— Dans cette bourse, dit Rébecca, tu en trouveras cent. Restitue à ton maître ce qui lui est dû, et garde le reste pour toi. Hâte-toi, pars ; ne t’amuse pas à me remercier,