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IVANHOÉ

Baudouin fit un profond salut, et se retira avec ses compagnons ; le chevalier Déshérité rentra dans le pavillon.

— Jusqu’ici, Gurth, dit-il à son valet, la réputation de la chevalerie anglaise n’a pas périclité dans mes mains.

— Et moi, dit Gurth, pour un porcher saxon, je n’ai pas mal représenté le personnage d’un écuyer normand.

— Oui, répondit le chevalier Déshérité ; mais tu m’as mis dans une inquiétude extrême que ton maintien de rustre ne te trahît.

— Bah ! dit Gurth, je n’ai craint d’être reconnu de personne, si ce n’est de mon camarade Wamba, le bouffon, dont je n’ai jamais pu savoir s’il était plus fripon que fou. Cependant, j’ai eu bien de la peine à ne pas éclater de rire lorsque mon vieux maître a passé si près de moi, s’imaginant toujours que Gurth gardait ses pourceaux dans les broussailles et les marécages de Rotherwood. Si je suis découvert…

— Assez, dit le chevalier Déshérité ; tu connais ma promesse.

— Non ; quant à cela, dit Gurth, jamais je ne manquerai à mon amitié, fût-ce pour sauver ma peau. J’ai une rude écorce qui résistera au couteau ou au fouet, aussi bien que celle d’aucun porc de mes troupeaux.

— Crois bien que je te récompenserai du risque que tu cours, Gurth, pour l’amour de moi, dit le chevalier. En attendant, je te prie d’accepter ces dix pièces d’or.

— Je suis plus riche, dit Gurth en les mettant dans sa poche, que ne le fut jamais aucun porcher ou serf.

— Porte ce sac d’or à Ashby, continua son maître, et va trouver Isaac, le juif d’York, et qu’il se paie du cheval et des armes que son crédit m’a procurés.

— Non, par saint Dunstan ! reprit Gurth, je ne ferai pas cela.

— Comment, coquin ! répliqua son maître, ne veux-tu plus obéir à mes ordres ?

— Tant qu’ils seront honnêtes, raisonnables et chrétiens,