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IVANHOÉ

— Je suis mieux préparé à la mort que toi, répondit le chevalier Déshérité ; car c’est sous ce nom que l’étranger avait été inscrit au livre du tournoi.

— Prends ta place dans la lice ! dit Bois-Guilbert, et regarde pour la dernière fois le soleil ; car tu passeras la nuit prochaine au paradis.

— Grand merci de ta courtoisie, répliqua le chevalier Déshérité, et, pour la reconnaître, je te conseille de prendre un cheval frais et une lance neuve ; car, sur mon honneur ! tu auras besoin de l’une et de l’autre.

S’étant ainsi exprimé avec confiance, il fit descendre à reculons à son cheval la pente qu’il avait gravie, et traversa la lice de la même manière, jusqu’à ce qu’il eût atteint l’extrémité nord, où il se tint immobile, attendant son adversaire.

Cette nouvelle preuve d’adresse en équitation lui valut les applaudissements de la multitude.

Bien qu’irrité des conseils que lui avait donnés son adversaire, Brian de Bois-Guilbert ne négligea pas ses avis, car son honneur était trop sérieusement intéressé pour lui faire négliger rien qui pût lui assurer la victoire sur cet audacieux. Il échangea son cheval contre un autre frais et éprouvé, plein de force et de courage. Il prit une nouvelle lance de bois dur, de peur que la première n’eût été endommagée dans les précédentes rencontres qu’il avait soutenues. Enfin, il mit de côté son bouclier, légèrement faussé, et en reçut un autre des mains de ses écuyers ; son premier bouclier ne portait que la devise générale de son maître, et représentait deux chevaliers montés sur le même cheval, emblème qui exprimait l’humilité et la pauvreté primitives des templiers, qualités qu’ils avaient échangées depuis contre l’arrogance et la richesse, qui causèrent à la fin la suppression de l’ordre. Le nouveau bouclier de Bois-Guilbert représentait un corbeau en plein vol, tenant un crâne dans sa griffe, et portant ces mots : Gare le corbeau !