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j’éprouvais un désir extrême de quitter cette chambre, habitée par les esprits ; ce désir maîtrisait toute autre considération. Jetant donc à la hâte mes habits sur moi, je me précipitai hors du château, pour chercher en pleine campagne un remède à mes souffrances. Votre Seigneurie connaît maintenant la cause du désir subit que j’éprouve de quitter le château de Woodville. Nous pourrons nous rencontrer souvent dans d’autres heux ; mais Dieu me préserve de passer une seconde nuit sous ce toit ! —

Quelque étrange que fût cette histoire, le général parlait avec un air de si profonde conviction, qu’il prévint tous les commentaires que l’on fait ordinairement sur de semblables contes. Lord Woodville ne demanda point à son ami s’il était sûr de ne point avoir fait un mauvais rêve, ni ne mit en avant aucune de ces suppositions par lesquelles on a l’habitude d’expliquer de telles apparitions : une imagination en délire ou la fausse perception du nerf optique. Au contraire, il semblait profondément convaincu de la vérité et de la réalité de ce qu’il avait entendu ; et après un moment de silence il exprima ses regrets, avec une grande apparence de sincérité, de ce que son ami avait tellement souffert chez lui.

— Je suis d’autant plus fâché, mon cher Brown, ajouta-t-il, que c’est le malheureux résultat d’une expérience que j’avais l’intention de faire. Il faut que vous sachiez que, du temps de mon père et même de mon grand-père, l’appartement que vous occupiez cette nuit était fermé, en conséquence du bruit qu’on avait répandu qu’il était fréquenté par des êtres surnaturels. À mon arrivée ici, il y a quelques semaines, je pensai que la société qui m’avait accompagné au château était trop nombreuse pour permettre aux habitants du monde invisible de rester en possession d’une chambre à coucher commode. J’ordonnai donc qu’on ouvrît la chambre tapissée, car c’est ainsi qu’on appelle cet appartement. Sans détruire son air d’antiquité, j’y fis placer quelques meubles nouveaux, en usage dans des temps plus modernes. Cependant, comme l’opinion que cette chambre était hantée par des esprits prévalait fortement parmi les domestiques et qu’elle était même connue dans le voisinage, ainsi que de la plupart de mes amis, je craignais que celui qui l’occuperait le premier ne fût dominé par quelques préventions qui donneraient du crédit aux bruits sur la chambre tapissée et tromperaient mon désir de rendre cet appartement utile. Je dois avouer, mon cher Brown, que votre arrivée, qui m’était agréable sous mille autres rapports, me parut l’occasion la plus favorable de détruire les bruits relatifs à la chambre tapissée : puisque votre courage était