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semblait être sorti du tombeau pour s’unir de nouveau à l’âme qui avait été autrefois complice de ses crimes. Je frissonnai, je me levai à demi, m’appuyant sur ma main, tandis que j’arrêtais mes regards sur l’horrible spectre. La vieille sorcière fit une seule enjambée vers mon lit, s’y assit, précisément dans la même attitude que j’avais prise au milieu de ma terreur, et elle avança son visage diabolique à une faible distance du mien, avec un grincement de dents dérisoire qui déployait toute la malice d’un esprit incarné. —

Ici le général Brown s’arrêta et essuya son front, que le souvenir de cette horrible apparition couvrait d’une sueur froide.

— Milord, dit-il enfin, je ne suis pas poltron. J’ai couru tous les dangers qu’on rencontre dans ma profession, et je puis assurer avec vérité que jamais on ne vit Richard Brown déshonorer l’épée qu’il porte. Mais avec cette horrible figure sous les yeux, et presque entre les mains d’un démon, toute ma fermeté m’abandonna, mon courage disparut comme la cire dans la fournaise, et je sentis mes cheveux se hérisser sur mon front. Mon sang se figea dans mes veines, et je perdis connaissance, victime d’une terreur panique, telle que le fut jamais une jeune fille de village ou un enfant de dix ans. Je ne puis dire au juste combien de temps je restai dans cet évanouissement.

Je revins à moi au moment où l’horloge du château sonnait une heure avec autant de force que si elle eût été placée dans ma chambre. Il se passa quelques minutes avant que j’osasse ouvrir les yeux, de crainte que mes regards ne rencontrassent encore cette horrible image. Lorsque j’eus le courage de regarder autour de moi, l’apparition n’était plus visible. Ma première idée fut de sonner, d’éveiller les domestiques et de me réfugier dans les mansardes ou même dans un grenier à foin, plutôt que d’être tourmenté une seconde fois par le terrible fantôme. Il faut que je confesse la vérité, je n’eus point la force d’accomplir cette résolution, non pas dans la crainte de dévoiler ma peur, mais parce que le cordon de sonnette était placé près de la cheminée, et que j’éprouvais la crainte de rencontrer le vieux démon que je supposais caché dans quelque coin de l’appartement.

Je n’entreprendrai pas de vous décrire les frissons et les chaleurs brûlantes que j’éprouvai alternativement pendant le reste de la nuit. Mille objets plus hideux les uns que les autres se montrèrent à mes yeux, mais il y avait une différence immense entre l’apparition première et celles qui la suivirent, et je sentais que les dernières étaient produites par mon imagination bouleversée et mes nerfs irrités.

Enfin le jour parut, et je quittai mon lit, souffrant et humilié. J’étais honteux comme homme et comme soldat, d’autant plus que