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cère pour le soldat qui possédait un courage réel, cet attribut dont, parmi tous les autres, chaque homme voudrait persuader qu’il est doué.

La journée, au château de Woodville, se termina comme il est ordinaire dans de semblables maisons : les plaisirs s’arrêtèrent dans les limites des convenances. La musique, qui était une des occupations favorites du jeune lord, succéda à la circulation des bouteilles. Il y avait un billard et des tables de jeu pour ceux qui préféraient ces amusements. Mais l’exercice du matin exigeait qu’on se livrât de bonne heure au repos, et peu après onze heures les convives de lord Woodville commencèrent à se retirer dans leurs appartements.

Le jeune lord conduisit lui-même son ami le général Brown dans la chambre qui lui était destinée, et qui répondait à la description qui en avait été faite, c’est-à-dire qu’il n’y manquait rien pour s’y bien trouver, mais elle n’était pas meublée à la mode. Le lit était de cette forme massive en usage à la fin du dix-septième siècle, et les rideaux, de soie fanée, étaient garnis lourdement de franges d’or ternies ; mais les draps, les oreillers et les couvertures semblaient délicieux au soldat lorsqu’il songeait à son tonneau. Il y avait quelque chose de sombre dans les tentures de tapisserie qui entouraient la petite chambre ; elles étaient doucement ondulées par la brise d’automne, qui, trouvant un passage à travers les vieilles croisées en treillage, sifflait en pénétrant dans l’appartement. La toilette et le miroir, entourés d’ornements en forme de turban, d’une étoffe de soie brune, suivant la mode au commencement du dix-huitième siècle, et les centaines de différentes boîtes pourvues de choses utiles à une coiffure qui n’était plus en usage depuis plus de cinquante ans, avaient un aspect à la fois antique et lugubre ; mais rien ne pouvait produire une lumière plus brillante que celle des deux énormes bougies, si ce n’est le feu pétillant de fagots qui envoyait en même temps son éclat et sa chaleur. Le petit appartement, malgré son apparence gothique, ne manquait donc d’aucune des commodités que les habitations modernes rendent nécessaires ou du moins désirables.

— Voici une chambre à coucher bien antique, général, dit le jeune lord ; mais je suppose que vous n’y trouverez rien qui vous fasse regretter votre vieux tonneau.

— Je ne suis point difficile en fait de logement, répondit le général ; cependant, si j’étais libre de faire un choix, je préférerais de beaucoup celui-ci aux plus jolis appartements modernes de votre