Page:Scientia extract from the march-april may-june 1973 issue (Le savant hors de sa tour d’ivoire).djvu/29

Cette page n’a pas encore été corrigée

pour lui un surcroît de responsabilités, notamment par son élection comme Conseiller de Paris. Tant d'émotions ont eu raison de ses forces défaillantes, et il doit observer quelque temps un repos absolu. Mais, réintégré dans ses fonctions, dès qu'il regagne son bureau, les sollicitations affluent à nouveau de toutes parts. Alors reprend pour lui, en dépit de son extrême fatigue, une existence incroyablement surmenée à laquelle il fait face avec une inlassable constance dont, en ses derniers jours seulement, on comprendra qu'elle avait été véritablement héroïque. Il assume à nouveau les présidences d'avant la tourmente, auxquelles s'ajoutent celles d'associations nées de la Résistance, qui tiennent à honorer en lui le grand patriote si durement éprouvé ; et il se fait un devoir de remplacer à celle de la LDH son vieux compagnon de lutte Victor Basch qui, à plus de quatre-vingts ans, a été, avec sa femme, sauvagement assassiné peu avant la Libération. Dès la fin de 1944, avec ses amis progressistes, il redonne vie à « La Pensée », revue qu'il avait créée en 1939 et dont la publication s'était poursuivie dans la clandestinité sous le titre de « Pensée libre ». Lui-même y écrira divers articles, dont « L'Ere des transmutations ». Enfin et surtout il se voit confier une tâche d'importance primordiale, à laquelle il va consacrer ses dernières forces : la présidence de la Commission ministérielle pour la Réforme de l'enseignement, créée en novembre 1944. Cette grande mission répond à l'une des préoccupations majeures de toute son existence, à laquelle il a mûrement réfléchi durant ses années d'exil. Comme dans tous les pays, la reconstruction imposait une complète refonte du système d'éducation ; celui de la France, essentiellement organisé pour former une élite d'intellectuels, laissait la majeure partie de la population dans un état de sous-développement qui ne pouvait plus répondre aux besoins urgents de la nation. Pendant deux ans, aidé de son ami ami Henri Wallon, psychologue de l'enfance, et entouré de collaborateurs soigneusement choisis dans toutes les disciplines et dans toutes les catégories d'enseignants, il animera d'une foi ardente l'élaboration d'un vaste et audacieux plan qui sera discuté dans tous ses détails au cours de réunions hebdomadaires, sur le principe général d'une complète démocratisation et dans un souci essentiel de culture et d'humanisme. Nous n'en pouvons donner ici qu'un rapide aperçu :

Tous les enfants doivent recevoir une formation de base commune leur offrant un grand choix d'activités dans lesquelles puissent se manifester leurs goûts et leurs aptitudes. Une organisation souple des options devra faciliter à tous les niveaux les changements d'orientation souhaitables, jusqu'au complet développement de la personnalité. L'école devra veiller aussi à la formation du caractère, et, dans un esprit strictement laïque, à l'acquisition des vertus civiques fondamentales par une alternance judicieuse de travaux individuels et de travaux d'équipe qui permette à chacun d'assumer à tour de rôle diverses fonctions et responsabilités à sa mesure, sous la surveillance de maîtres