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facteurs essentiels de la solution des problèmes sociaux et internationaux.

C'est dans cet esprit qu'il s'intéresse de plus en plus aux organismes éducatifs : il accepte en 1922 la présidence de la Société française de pédagogie, où pendant une quinzaine d'années il s'efforcera de favoriser les contacts entre les instituteurs et les maîtres de l'Université. Lui-même y fera souvent des conférences du plus haut intérêt — dont un petit nombre seulement ont été conservées — où il souligne le caractère trop étroitement utilitaire de l'enseignement français, en particulier le dogmatisme du secondaire, si contraire au développement de l'esprit. Nommé en 1925 directeur de l'Ecole à laquelle il a déjà consacré tant d'efforts, il y accroît sans cesse le niveau des connaissances générales afin de former des ingénieurs éclairés sur les questions les plus actuelles de la science, et obtient certaines équivalences à des examens de faculté. Au lendemain de sa disparition, l'établissement sera élevé au rang d'Ecole supérieure de physique et de chimie.

Tant d'obligations et de charges diverses venaient ajouter un surcroît de fatigue au patient travail de réflexion qu'exigeait le haut enseignement du Collège de France, dans une période où, en raison du rapide développement des théories physiques, les difficultés en devenaient de plus en plus ardues. Dès le lendemain de la guerre, le monde savant avait eu à connaître de récents travaux qu'Einstein avait publiés en Suisse, où il avait dû se réfugier à la suite de son opposition au manifeste des intellectuels pangermanistes. Il s'agissait de la relativité généralisée, qui impliquait un bouleversement des notions plus profond encore que celui du temps relatif. Einstein montrait que l'espace n'est pas non plus la donnée absolue qu'avaient imposée à l'esprit humain des habitudes ancestrales, mais que ses propriétés dépendaient de tout ce qui s'y trouve contenu — ce qui exigeait l'abandon du caractère euclidien de la géométrie. Il y avait là une véritable révolution des concepts, et les objections furent encore plus véhémentes que précédemment. Apercevant aussitôt l'immense portée de cette nouvelle théorie pour l'avenir de la physique, Paul Langevin s'en fit vraiment l'apôtre dans son enseignement, et mena pendant des années ce que ses élèves appelèrent la bataille de la relativité. A cette lutte s'en ajoutait une autre d'un caractère tout différent. Un chauvinisme exacerbé sévissait dans toutes les nations et, chez les vainqueurs, s'étendait même à ceux qui, comme Einstein, avaient dans l'autre camp osé dénoncer la guerre et encourager la démocratie. Et lorsqu'en 1922, désireux d'honorer en son ami à la fois le génie et le courage, Paul Langevin jugea opportun de le faire inviter à présenter ses derniers travaux au Collège de France, ce ne fut pas sans rencontrer bien des réticences de la part de certains de ses collègues. Einstein obtint pourtant à Paris un grand succès, mais des précautions