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de réalisation.

Sur une suggestion de l'ingénieur Chilowski, Paul Langevin élucida très vite le problème de l'émission de telles ondes par l'intermédiaire d'un condensateur vibrant, excité sous des fréquences de même ordre, alors courantes en TSF ; mais les résultats furent décevants. C'est alors que, par un trait de génie, il eut en 1916 l'idée d'utiliser pour la réception des ondes élastiques les remarquables propriétés du quartz piézo-électrique, découvertes par Pierre et Jacques Curie et couramment employées en radioactivité dans la mesure des faibles courants. Puis, les essais étant encourageants, il pensa que l'effet inverse, découvert par Lippmann, pourrait servir aussi pour l'émission. Là encore, le problème technique s'avéra très ardu, en raison de la petitesse des effets piézo-électriques, qu'on ne savait pas alors amplifier suffisamment. Et il fallut trois années de patients efforts poursuivis d'abord en laboratoire, puis à l'arsenal de Toulon, avec l'aide des excellents physiciens Fernand Holweck et Marcel Tournier[1], pour obtenir, au moyen d'un triplet quartz-acier en résonance, une puissance convenable pour détecter des obstacles sous-marins à des distances de plusieurs kilomètres. Ces émetteurs devaient prendre le nom d'Asdic, puis de Sonar. On touchait à la fin du grand conflit, et cette ingénieuse technique ne servit pas alors à des fins militaires. Cependant, la sécurité de la navigation par temps de brume était enfin assurée ; et d'autres applications ne devaient cesser de se développer. Pendant plusieurs années, Paul Langevin perfectionna maints détails, ce qui permit notamment d'effectuer le sondage par écho, d'abord à faible profondeur, puis de dresser des cartes générales sous-marines en enregistrement continu. Si la Marine française se désintéressa bientôt de la technique ultra-sonore, celle-ci fut heureusement poursuivie par l'Amirauté britannique, à qui tous les résultats avaient été communiqués. Durant le dernier conflit mondial, les détecteurs furent encore perfectionnés, et des équipes de chasseurs sous-marins furent organisées. Au cours des cérémonies qui eurent lieu à Londres en mai 1947 à la mémoire de Paul Langevin, Lord Alexander put s'exprimer ainsi:

"Comme Premier Lord de l'Amirauté durant la guerre récente, il m'a été donné d'étudier les résultats des travaux de Monsieur Langevin, et d'apprécier tout ce dont nous lui sommes redevables pour les compétences et les efforts qu'il consacra à mettre au point les moyens de détecter un sous-marin en plongée, et à permettre ainsi à nos bâtiments de surmonter la menace mortelle qui pesait sur eux au cours de la guerre marine"[2].

Dans les derniers mois de sa vie, l'assurance avait été apportée au grand savant que les ultrasons avaient permis de gagner la bataille de l'Atlantique et ce lui fut une bien grande satisfaction et une récompense morale combien méritée, à lui qui avait, avec son total désintéressement,

  1. Elèves de Paul Langevin à l'EPCI. Fernand Holweck, remarquable expérimentateur, fut arrêté par la Gestapo en décembre 1941 et torturé à mort.
  2. In memory of Paul Langevin, Londres, 1947 (Porteous Ltd, Leman Street).