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COURNOT ET LE PRAGMATISME

au hasard des coïncidences persistantes, des rencontres permanentes de séries distinctes. La raison peut être ici aussi affirmative que dans le problème copernicien… ; par où Oournot n’a pas seulement devancé les analyses récentes bien connues, mais les a dépassées, me semble-t-il, puisqu’il en sort autrement que par un décret commode.

2.o Les principes de la Dynamique. — Je ne suivrai pas Cournot dans ses intéressantes études, présentées notamment au chap. IV du livre II du Traité, sur les postulats de la Dynamique. J’en retiendrai seulement son refus d’y voir des vérités fournies et vérifiées par l’expérience (on a vu ci-dessus sa discussion des idées de Laplace à ce sujet), − ou des théorèmes mathématiques, − ou des définitions simplement utiles ou commodes. Ce sont pour lui des « axiomes philosophiques », ou des affirmations de la raison, obéissant évidemment à des suggestions de l’expérience, mais les déliassant, et jugeant surtout la valeur de Y accord de ces principes avec des faits ou des idées fondamentaux, ici notamment avec l’idée leibnitienne si naturelle de la relativité de l’espace et du temps.

3.o Le postulat d’Euclide. — Je ne sais si Cournot a connu les tentatives de Lobatchewsky et de Bolyai, mais il ne doutait pas que le fameux postulat des parallèles ne fût décidément indémontrable ; et, comme nos contemporains, plus rompus qu’il n’a pu l’être aux géométries non euclidiennes, il s’est posé les problèmes philosophiques que soulève un semblable postulat. Fidèle à sa méthode, il se garde bien d’en demander la confirmation à l’expérience ; il ne songe eu aucune manière non plus à en appeler à la logique et aux constructions illimitées que le postulat rend possibles. Que dis-je ? Il accuse la logique d’apporter ici le trouble dans les idées et la rend responsable de toutes les difficultés qu’on rencontre. Au fond en effet il y a des vérités fondamentales, primitives, toutes naturelles pour l’esprit humain que par amour de la logique les géomètres ont écartées, se condamnant ainsi au caractère artificiel de leur échafaudage, sans que l’artifice soit jamais réductible. Ici le grand fait dissimulé, et que remplace maladroitement le postulat, c’est tout simplement l’idée naïve de similitude. Et comme nier le postulat ce serait nier ce que cette idée a de fondé et de solide, notre raison s’y refuse et affirme la vérité du postulat.