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NOTE CRITICHE

voyons également renaître chez Vailati cette horreur des idées obscures et confuses qu’Hume partageait avec Descartes et Leibniz et qui constitue la base spirituelle du siècle des lumières. Il y a toutefois un point qui établit une différence fondamentale entre la philosophie de Vailati et ce rationalisme mathématique ; c’est que Vailati, en développant jusqu’à ses extrêmes conséquences le postulat de la clarté, en identifiant le clair et l’évident avec le rapport analytique de dépendance logique, vient à nier que l’intuition forme la base de jugements synthétiques ; en même, temps il méconnaît aussi la valeur de l’intuition au point de vue de la recherche et de la construction scientifiques.

Mais la reprise de l’empirisme critique contre la nouvelle élaboration d’un positivisme agnostique ou contre la métaphysique du positivisme ne constitue pas toutefois, à notre avis, la note originale de la philosophie de Vailati, laquelle note se reconnaît plutôt dans le lien entre cet ordre d’idées et la logique mathématique. De ce lien naît en effet le problème qui, du commencement à la fin et à travers toute la variété des questions qu’il a étudiées, devait dominer l’esprit de notre penseur : « le problème de l’expression de la pensée seientifico-philosophique, au moyen de mots et de symboles ».

Déjà en 1899, dans une étude intitulée Quelques observations sur les questions de mots dans l’histoire de la Science et de la Civilisation (p. 203), Vailati expose ses idées fondamentales sur ce sujet ; et dans un de ses derniers écrits : Pour une étude de l’Algèbre au point de vue linguistique, publié après sa mort, en 1909 (p. 942), il établit un parallèle intéressant entre la grammaire du langage parlé et celle du langage algébrique.

Le grand nombre d’écrits consacrés entre temps aux questions les plus diverses, révèle toujours le sentiment intime de l’auteur : retrouver dans chaque branche du savoir l’erreur de pensée qui naît et se manifeste, et par conséquent se corrige, à travers l’expression. C est à cela, et non aux faits appartenant aux doctrines examinées, que s’applique constamment la critique de l’auteur lequel, tout en discourant avec compétence de mathématiques ou de physique ou d’économie et tout en étant capable de donner un conseil utile à ceux qui cultivent ces sciences, ne devient pas pour cela mathématicien ou physicien ou économiste, mais se maintient, comme en vertu d’une disposition affective spéciale, dans le cercle exclusif des intérêts logiques.

Telle est la caractéristique propre de la philosophie de Vailati : empiriste, puisqu’elle reconnaît l’expérience comme source unique de ce qui est donné à la pensée ; et scientifique, en tant qu’elle s’exerce de préférence sur des matériaux qui lui sont fournis par les sciences les plus développées : elle n’aime pas toutefois