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“SCIENTIA„

si les conceptions que nous avons émises sont exactes nous n’hésitons pas à penser que si un pareil élevage était réalisé, il devrait donner les résultats les plus inattendus. Les horticulteurs ont su obtenir des types extraordinaires et très intéressants en hybridant des espèces entre elles ; mais on sait que les anomalies peuvent naître dans le règne végétal autrement que par les croisements : M. Blaringhem a montré que les traumatismes les plus variés comme les sections, les torsions, les compressions pouvaient orienter l’évolution dans une voie nouvelle et créer des types inconnus et souvent héréditaires. L’expérience de M. Bernard nous apprend qu’en changeant les champignons des Orchidées on peut créer des monstres, c’est-à-dire, en somme, changer l’Orchidée. Il se peut que le changement ainsi réalisé soit si profond que les créatures ainsi formées soient invariables ; mais si on arrivait à les faire fleurir et reproduire, on aurait selon toute vraisemblance des créations bien curieuses. On voit d’après cela que les éleveurs ont encore de vastes champs à exploiter.

Une dernière conséquence est à déduire de ces remarques. On se préoccupe beaucoup à l’heure présente de l’étude des hybrides. Les lois de Mendel, si longtemps oubliées et remises récemment en lumière par les travaux de De Vries, Tschermak et Bateson semblent faire supposer que l’on ait trouvé la clef de l’énigme de l’évolution. Ces lois, il faut le dire, ne sont applicables qu’à des cas très simples : deux variétés qui ne diffèrent entre elles que par un ou un petit nombre de caractères. Les caractères de la descendance sont alors soumis à des lois mathématiques incontestables. Elles ne paraissent plus applicables, au moins à l’heure présente, au cas de deux espèces parentes d’un rejeton et différant entre elles par de nombreux caractères. Quand bien même ces cas complexes seraient éclaircis et pourraient se rattacher aux principes mendeliens, en résulterait-il que l’évolution n’a lieu que par l’œuf. Peut-on admettre que le milieu extérieur ne peut jamais faire apparaître des caractères nouveaux ? Ce sont là des opinions inadmissibles. Tout ce qui vient d’être exposé sur les Orchidées plaide pour une thèse contraire, conforme à la théorie de Lamarck, le célèbre disciple de Buffon.

Paris, Muséum.

J. COSTANTIN