Page:Scientia, année 3, volume 6 (extrait), 1909.djvu/18

Cette page a été validée par deux contributeurs.

7. Le continu physique. — M. Henri Poincaré donne la formule suivante du continu physique, tel que l’expérience nous le révèle [1] :

« On a observé, par exemple, qu’un poids A de 10 grammes et un poids B de 11 grammes produisaient des sensations identiques, que le poids B ne pouvait non plus être discerné d’un poids C de 12 grammes, mais que l’on distinguait facilement le poids A du poids C. Les résultats bruts de l’expérience peuvent donc s’exprimer par les relations suivantes :


qui peuvent être regardées comme la formule du continu physique.

Il y a là, avec le principe de contradiction, un désaccord intolérable, et c’est la nécessité de le faire cesser qui nous a contraints à inventer le continu mathématique ».

Il ne m’est pas possible de souscrire à la théorie proposée par M. Poincaré ; l’expérience schématique qu’il imagine ne conduit à une contradiction que par suite de ses imperfections ; une expérience complète et totale ne saurait contredire le principe de contradiction. Je n’entends pas par là que l’on peut augmenter la précision des expériences qu’imagine M. Poincaré ; on ne ferait ainsi que reculer la difficulté, ce qui n’offrirait pas d’autre avantage que de permettre de nier la possibilité d’effectuer réellement les expériences décrites ; mais c’est là un argument qui ne satisferait probablement pas M. Poincaré. Ce que je veux dire, c’est que deux grandeurs A et B ne doivent être regardées comme empiriquement égales, à une époque donnée, que si aucun des moyens d’investigation expérimentaux dont on dispose à cette époque ne permet de discerner une différence entre elles. Cette définition ne saurait conduire à aucune contradiction, car si une expérience faite avec soin prouve que A est inférieur à C, tandis que B, dans les mêmes conditions, ne se distingue pas de C, c’est là une raison expérimentale suffisante pour affirmer que A est inférieur à B.

Si l’on mesure une grandeur par comparaison avec un

  1. Science et hypothèse, pp. 34 et 35