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d’avoir rendu les hommes malheureux à dessein, en leur tournant le visage vers le ciel et en les privant de la faculté qu’ont la plupart des animaux, qui marchent à quatre pattes. Puisque les dieux ont décidé qu’il faut manger pour vivre, pensait Cratès, ils devaient tourner le visage des hommes vers la terre, où croissent les racines : on ne saurait se repaître d’air ou d’étoiles.

La vie ne lui fut point généreuse. Il eut la chassie, à force d’exposer ses yeux à l’âcre poussière de l’Attique. Une maladie de peau inconnue le couvrit de tumeurs. Il se gratta de ses ongles qu’il ne rognait jamais et observa qu’il en tirait double profit, puisqu’il les usait en même temps qu’il éprouvait du soulagement. Ses longs cheveux devinrent semblables à du feutre épais, et il les disposa sur sa tête pour se protéger de la pluie et du soleil.

Quand Alexandre vint le voir, il ne lui