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– Hélas ! dit Chloé, où est le jour ? Le soleil est-il mort ? Où faut-il aller, mon Daphnis ? Je ne sais plus la route. Ah ! il n’y a plus nos bêtes, Daphnis : elles se sont perdues depuis que nous sommes partis.

Et Daphnis répondit :

– O Chloé, nous revenons errer comme les songes qui visitaient nos prunelles dans le sommeil des prés ou dans le repos des étables. Nos têtes sont vides comme les pavots mûrs. Nos mains sont chargées des fleurs de la nuit éternelle. Ton cher front est ceint d’asphodèles, et tu portes contre ton sein le crocos qui pousse dans l’île des Bienheureux. Il vaut peut-être mieux ne pas se souvenir.

– Mais voici que je me souviens, mon Daphnis, dit Chloé. La route qui mène à la grotte des nymphes longe cette prairie. Je reconnais la pierre plate où nous nous asseyions. Vois-tu le bois d’où sortit le loup, qui nous fit si grand peur ? Ici, tu me tressas pour la première fois une cage à cigales. Là, dans ce buisson, tu pris pour moi une des stridentes cigales, et tu la posas sur mes cheveux, où elle chantait sans