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les morts, gouvernés par le glaive d’Odysseus, venaient boire en foule le sang noir des agneaux dans une fosse carrée creusée en terre. Et cette fois seulement les morts ont bu du sang, afin d’essayer de revivre : mais d’ordinaire ils se repaissent de miel funèbre et de pavots sombres et le liquide qui coule dans leurs veines est l’eau du Léthé. Les ombres mangent le sommeil et boivent l’oubli.

Pour cette raison, non pour une autre, les hommes ont choisi ces offrandes destinées à Perséphone ; mais elle ne s’en inquiète point, car elle est abreuvée d’oubli et rassasiée de sommeil.

La petite gardienne du temple de Perséphone attend une ombre solitaire qui viendra peut-être aujourd’hui, peut-être demain, peut-être jamais. Si les ombres gardent un cœur aimant comme les jeunes filles sur terre, cette ombre n’a pu oublier pour l’eau morne du fleuve d’oubli, ni sommeiller pour les pavots tristes du champ du sommeil.

Mais sans doute elle désire oublier, selon le désir des cœurs terrestres. Alors, elle viendra