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pourpre et de safran quand le soleil se lève. Et nous traversâmes aussi les Cyclades, et nous touchâmes à l’île de Rhodes. Près de là nous sortîmes de la coque effilée dans une autre petite île dont je ne dirai jamais le nom. Car les grottes y sont tendues d’herbe rousse et semées d’ajoncs verts, les prairies molles comme le lait, et toutes les baies des arbrisseaux, soient-elles rouge sombre, claires autant que des grains de cristal, ou aussi noires que les têtes des hirondelles, ont un suc délicieux qui ranime l’âme. Je resterai muette sur cette île, comme une initiée aux mystères. Elle est bienheureuse et on n’y voit point d’ombres. J’y aimai tout un été. A l’automne un bateau plat nous conduisit vers cette campagne. Car mes affaires étaient négligées ; et je voulais lever de l’argent pour vêtir celui-ci avec des tuniques de byssos fin. Et je lui ai donné des bracelets d’or, des bâtons tressés d’électron et des pierres qui brillent dans l’ombre.

Misérable que je suis ! Il s’est levé d’auprès de moi et je ne sais où le retrouver. O femmes qui pleurez Adonis chaque année, ne méprisez