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Marjolaine jetait un à un les grains de sable. Sept fois ils tintaient contre la terre dure des cruches ; sept fois le silence recommençait.

— O Marjolaine, épouse Jean, lui disait la vieille nourrice tous les matins.


Alors Marjolaine fronça le sourcil lorsqu’elle voyait Jean, et Jean ne vint plus. Et la vieille nourrice fut trouvée morte, une aube, assez souriante. Et Marjolaine mit une robe noire, une cornette sombre, et continua de filer.

Toutes les nuits elle se levait, et, comme Morgiane, elle jetait contre les cruches des grains de sable pour éveiller les mystères. Et les rêves dormaient toujours.

Marjolaine devint vieille en sa patience. Mais le prince emprisonné sous le sceau du roi Salomon était toujours jeune, sans doute, ayant vécu des milliers d’années. Une nuit de pleine lune, la rêveuse se leva comme une assassine, et prit un marteau. Elle brisa furieusement six cruches, et la sueur d’angoisse coulait de son front. Les vases claquèrent et s’ouvrirent : ils étaient vides.