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Le mousse levait les yeux sur la mer. Elle était sombre et brumeuse. Un rideau de pluie voilait toute la baie. On ne voyait plus les écueils ni les balises. Par moments le linceul humide tissé de gouttelettes filantes se trouait sur des paquets d’algues noires.

— On ne pourra pas marcher cette nuit, dit le mousse. Il faudra aller dans la cahute de la douane où il y a du foin.

— Je ne veux pas, c’est sale ! cria la fillette.

— Tout de même, dit le mousse. As-tu envie de revoir ta Mademoiselle ?

— Egoïste ! dit la fillette qui éclata en sanglots. Je ne savais pas que tu étais comme ça. Si j’avais su, mon Dieu ! moi qui ne te connaissais pas !

— Tu n’avais qu’à ne pas partir. Qui est-ce qui m’a appelé, l’autre matin, quand je passais sur la route ?

— Moi ? Oh ! le menteur ! Je ne serais pas partie si tu ne me l’avais pas dit. J’avais peur de toi. Je veux m’en aller. Je ne veux pas coucher dans du foin. Je veux mon lit.

— Tu es libre, dit le mousse.