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des bêtes, et ne semblait pas s’en apercevoir ; mais ses troncs inflexibles, résistants, épanouis comme des foudres solidifiées jaillies de la terre, étaient hostiles aux hommes.

Cependant elle ne haïssait point Alain : elle lui dérobait le ciel. Longtemps l’enfant ne connut d’autre lumière qu’une trouble et laiteuse verdeur de l’air ; et, venant le soir, il voyait la meule de charbon se piquer de points rouges. La miséricordieuse vieille forêt ne lui avait pas permis de regarder tout ce que le ciel de la nuit laisse traîner d’argent et d’or. Il vivait ainsi auprès d’une bonne femme dont le visage, sillonné comme une écorce, s’était établi dans les immuables lignes du repos de la vie. Il lui aidait à couper les branches, à les tasser dans les meules, à couvrir les tertres de terre et de tourbe, à veiller sur le feu, qu’il soit doux et lent, à trier les morceaux pour faire les tas noirs, à emplir les sacs des porteurs dont on voyait peu la figure parmi les ténèbres des feuilles. Pour cela il avait la joie d’écouter à midi le babil des rameaux et des bêtes, de dormir sous les fougères parmi la chaleur, de rêver que sa