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« Ça doit venir d’Espagne, cette racaille, dit Pen-Bras à mi-voix. On va les pincer au demi-cercle par derrière — après on tirera pour avertir la brigade. Faut rien dire maintenant ; faut les laisser débarquer leurs ballots. »

Se courbant sous les haies de mûriers qui poussent à l’air salé, Pen-Bras, le Vieux et la Tourterelle se glissèrent jusqu’au bout du sentier. La lumière phosphorescente filtrait à travers les branches d’épines. Comme ils arrivaient au ras du sable, brusquement elle s’éteignit. Les trois douaniers eurent beau se tirailler les yeux à chercher la contrebande bigarrée ; plus rien. Ils coururent jusqu’à l’eau mourante ; le Vieux balança sa lanterne, elle n’éclaira que la traînée d’algues noires et les tas croupissants de moules et de goémons. Tout à coup il vit briller quelque chose dans la vase ; il fonça dessus : c’était une pièce d’or, — et en l’approchant du hublot, les gabelous remarquèrent qu’elle n’était pas monnayée, mais frappée d’un signe bizarre. — De nouveau ils tendirent l’oreille, et parmi les pleurs du vent, ils crurent percevoir encore les sanglots des rames.

« Les voilà qui démarrent, dit la Tourterelle : vite le youyou à l’eau. Il y a de l’or là-dedans.

— Faut voir, » répondit le Vieux.

Le canot de la douane détaché, ils y sautèrent tous trois, le Vieux à la barre, Pen-Bras et la Tourterelle aux rames.

« Oh hisse ! dit Pen-Bras. La coterie, souque ferme ! »