Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/13

Cette page n’a pas encore été corrigée

dernier but de l’activité humaine, et on peut encore y être troublé par la superstition.

C’est avec Le Dom que l’homme entrevoit le terme inférieur de la terreur, qu’il pénètre dans l’autre moitié de son cœur, qu’il essaye de se représenter dans les autres êtres la misère, la souffrance et la crainte, qu’il chasse de lui toutes les terreurs humaines ou surhumaines pour ne plus connaître que la pitié.

Le conte du Dom introduit le lecteur à la seconde partie du volume, « La légende des gueux ». Toutes les terreurs que l’homme a pu éprouver, la longue série des criminels les a reproduites d’âge en âge jusqu’à nos jours. Les actions des simples et des gueux sont des effets de la terreur et répandent la terreur. La superstition et la magie, la soif de l’or, la recherche de la sensation, la vie brutale et inconsciente, autant de causes des crimes qui mènent à la vision de l’échafaud futur dans Fleur de Cinq-pierres, à l’échafaud lui-même, avec son horrible réalité, dans Instantanées.

L’homme devient pitoyable, après avoir ressenti toutes les terreurs, après les avoir rendues concrètes en les incarnant dans ces pauvres êtres qui en souffrent.

La vie intérieure, objectivée seulement jusqu’au Dom, devient historique en quelque sorte lorsqu’elle suit l’œuvre de la terreur depuis La vendeuse d’ambre jusqu’à la guillotine.

On a pitié de cette misère, et on tente de recréer la société, d’en bannir toutes les terreurs par la Terreur, de faire un monde neuf où il n’y ait plus ni pauvres, ni gueux. L’incendie devient mathématique, l’explosion raisonnée, la guillotine volante. On tue pour le principe ; sorte d’homéopathie du meurtre. Le ciel noir est plein d’étoiles rouges. La fin de la nuit sera une aurore sanglante.

Tout cela serait bon, serait juste, si l’extrême terreur n’entraînait autre chose ; si la pitié présente de ce qu’on