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PRÉFACE


I


La vie humaine est d’abord intéressante pour elle-même ; mais, si l’artiste ne veut pas représenter une abstraction, il faut qu’il la place dans son milieu. L’organisme conscient a des racines personnelles profondes ; mais la société a développé en lui tant de fonctions hétérogènes, qu’on ne saurait trancher ces milliers de suçoirs par où il se nourrit sans le faire mourir. Il y a un instinct égoïste de la conservation de l’individu ; il y a aussi le besoin des autres êtres, parmi lesquels l’individu se meut.

Le cœur de l’homme est double ; l’égoïsme y balance la charité ; la personne y est le contrepoids des masses ; la conservation de l’être compte avec le sacrifice des autres ; les pôles du cœur sont au fond du moi et au fond de l’humanité.

Ainsi l’âme va d’un extrême à l’autre, de l’expansion de sa propre vie à l’expansion de la vie de tous. Mais il y a une route à faire pour arriver à la pitié, et ce livre vient en marquer les étapes.

L’égoïsme vital éprouve des craintes personnelles : c’est le sentiment que nous appelons TERREUR. Le jour où la