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plet du mot rabat, qui s’employait également pour « manteau » au xve siècle. L’indication d’Ol. Chéreau sur ce point n’est pas absolument exacte. Tabar n’est pas un mot nouveau ; c’est un doublet artificiel qui existait dès le temps de Villon :

Item au Loup et à Chollet
Je laisse à la foys un canart,
Prins sous les murs, comme on souloit,
Envers les fossez, sur le tard ;
Et à chascun un grand tabart[1]
De cordelier, jusques aux pieds,
Busche, charbon et poys au lart.
Et mes housaulx sans avant piedz.

(Pet. Testament, XXIV.)

Tabar, tabarin est formé sur le modèle navar, navarin. « Navar » a donné l’anagramme varan qu’on reconnaîtra dans huistres de Varannes, barbillons de Varannes. L’édition de Jacques Oudot (Troyes) du Jargon de l’argot donne l’orthographe Varane, beaucoup plus proche de l’anagramme.

Zerver, server (pleurer, crier. — Pechon de Ruby) est la déformation artificielle sur le modèle de miloger du mot verser, employé dans le même sens (J. de l’arg. réf. voc. argot fr.). « Pleurer » se dit aussi « verser des larmes » ; verser, employé d’une manière absolue, a été changé en zerver. Nous verrons fréquemment le sens des mots défigurés se généraliser ainsi.

Si nous remontons encore plus haut dans les textes argotiques, nous trouverons toujours cette méthode de défiguration.

Qu’Ostac n’embroue vostre arrerie
Où accollez sont vos aisnez.

(Jargon de Villon, Ball., V.)

Il faut identifier cet Ostac avec le lieutenant de police de Costa, dont il est question dans le Grand Testament.

Que de Costa et ses gendarmes
Ne lui riblent sa caige-vert.

(Grand Testament, CX.)

Nous avons suivi ainsi un procédé de défiguration jusqu’aux origines écrites de l’argot. Mais, dans les expressions du langage actuellement parlé et que nous avons citées, ce procédé est uni à un second qui consiste à faire suivre les mots disloqués de

  1. Le dérivé tabarin fixe l’orthographe dans un autre sens. La variante tabert prouve une différence de prononciation entre a et e fréquente dans les finales aux xve et xvie siècles.