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montre qu’on a eu en argot choquer = chiquer = croquer = *triquer.

Nous sommes remontés ainsi jusqu’au xvie siècle. Au moyen de la première méthode inductive, nous avons déterminé l’origine de chiquer, né d’une substitution de suffixes. La loi de filiation synonymique, établie par l’analogie, nous a permis de suivre une équivoque pendant trois cents ans et de découvrir des explications nouvelles. Les deux méthodes se pénètrent donc et sont fécondes.

La dérivation synonymique remonte jusqu’au xve siècle. Dans georget (pourpoint. Pech. de Ruby) que nous avons vu plus haut,

Sornillez-moi ces georgetz si farciz.

(Jargon de Villon, Ball., VII)


on reconnaîtra la traduction argotique du mot de la langue courante jacque qui nous a laissé jaquette. Pont-à-Billon est pour Pont-au-Change dans les passages suivants :

Les hoirs du deffunct Pathelin
Qui sçavez jargon jobelin
Capitaine du Pont-à-Billon.

(Repeües franches. — Attr. à Villon)


J’en ay cogneu, qui souvent largement
Donnoyent à tous repeues outre mesure
Qui depuis ont continuellement
Servy le Pont-à-Billon par droicture.

(Ballade de l’acteur. — Ibid.)

Ces deux transformations ne diffèrent nullement de celle que nous avons recueillie oralement : Sainte-Essence pour Saint-Esprit.

Nous avons atteint les origines écrites de l’argot français. La filiation synonymique est valable jusque-là. Nous croyons avoir assez établi la solidité des méthodes que nous avons employées ; qu’on nous permette de jeter maintenant sur les résultats un coup d’œil général.

III

Au point de vue de l’histoire de la langue française, ce travail paraît apporter des éclaircissements. Les mots chiquenaude[1], mé-

  1. Voir chiquer.