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ne réussit point à faire oublier l’absence complète de composition. C’est qu’en réalité, il n’y a qu’un très petit nombre de scènes bibliques qui se prêtent à la peinture ; les autres ne sont pas susceptibles de remplir les conditions voulues.

Le seul qui véritablement ait fait preuve de discernement dans le choix des sujets et qui n’ait jamais fait de la fausse peinture biblique, c’est Michel-Ange. Que l’on compare à ses puissantes évocations de l’histoire sainte les simples illustrations qu’en a données Véronèse. Si admirables et si prestigieuses que soient, au point de vue de la forme, les Noces de Cana, ne nous croirions-nous pas tout simplement en présence d’un festin quelconque, n’était cette sorte de convention tacite passée entre le peintre et le public ?

La peinture biblique et la peinture d’histoire, tels sont les deux aspects du faux descriptif dans l’histoire de la peinture ; ces deux chapitres dans l’histoire des arts plastiques ont leur parallèle dans celle de la musique. Les représentants supérieurs du genre descriptif sont, pour l’art plastique, Michel-Ange, pour la musique, Bach.

Bach était un poète. Mais il lui manquait le don de s’exprimer. Son langage était sans distinction, et son goût poétique n’était pas plus développé que celui de ses contemporains. Eût-il, autrement, accepté si volontiers les libretti de Picander ?

Et pourtant il était poète dans l’âme, en ce qu’il cherchait dans un texte, avant tout, la poésie qu’il contient. Quelle différence entre lui et Mozart ! Mozart est purement musicien. Il prend un texte donné et l’habille d’une belle mélodie. Bach, au contraire, le creuse ; il l’approfondit jusqu’à ce qu’il ait trouvé l’idée qui, à ses yeux, représente l’essentiel, ce que devra illustrer la musique. Il a horreur de la musique neutre qui vient se superposer à un texte sans avoir rien de commun avec lui que le rythme et un sentiment tout à fait général. Souvent, sans doute, quand il se trouve en présence d’un texte sans idée saillante, force lui est de faire contre