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Ainsi procède le biographe à l’égard de l’homme ; ainsi doit procéder le musicien à l’égard de l’œuvre elle-même. Une histoire du choral : telle est la base que réclame l’étude de l’œuvre. L’évolution de la musique, tout comme l’évolution de la poésie religieuse du Moyen-Âge allemand, conduisent à l’avènement du choral dans la Réforme. Mais elles ne s’arrêtent pas là. Le point final, vers lequel toutes deux convergent dans leur complexité, c’est Bach. Qu’on les suive l’une ou l’autre : au bout du chemin, on rencontrera Sébastien Bach.

Les plus belles fleurs de la poésie allemande depuis le Moyen-Âge jusqu’au xviiie siècle, les strophes de choral, fleurissent ses cantates et ses Passions. C’est Bach qui en révèle la beauté ; c’est lui qui les extrait du recueil des cantiques pour en faire la propriété du monde entier.

Et, de même aussi, les essais d’harmonisation du choral, qui occupent les maîtres antérieurs, ont en lui leur aboutissant. C’est lui qui réalise l’harmonisation idéale.

Ce que les Scheidt, les Buxtehude et les Pachelbel annoncent d’une façon lointaine dans leurs fantaisies sur choral, est devenu réalité dans celles de Bach : elles sont des poèmes pour orgue.

Du motet, qui se rattache au choral, sort, sous l’influence de la musique orchestrale, italienne et française, la cantate. Cette grande impulsion étrangère se poursuit et s’achève dans les cantates de Bach. Un fait seulement : le chœur de la première cantate qu’il fit entendre à Leipzig, en 1714 (No. 61), est une ouverture française. Bach lui même l’intitule « Ouverture » et se sert du mot « gai » pour indiquer le mouvement de la partie médiane.

À la fin du xviie siècle, le drame biblique, en faveur au Moyen-Âge, sous la forme du Drame-Passion en musique revient frapper à la porte des églises. La lutte s’engage pour ou contre cette création nouvelle. C’est Bach encore qui y met fin. Il ré-