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PRÉFACE


Dans un article publié en novembre 1885 par la Revue des Deux Mondes à l’occasion d’un concert de la Concordia, où avait été exécutée la Passion de St  Matthieu, le très regretté critique, M. René de Récy, s’en prenait aux biographes du maître et faisait remarquer les lacunes de leur œuvre au point de vue esthétique. S’attaquant au plus célèbre d’entre eux, « Spitta, disait-il, a noté les moindres incidents de la vie de Bach,… il commente en détail chaque composition, en retrace la genèse, en établit l’ordre chronologique, en donne l’analyse… C’est un vaste chantier où sont préparés avec art les matériaux d’une œuvre qui, malgré tout, reste à faire ; car rien n’est fait tant que la critique s’attache à détailler à la loupe les beautés de tel ou tel passage, au lieu de s’élever à la vue d’ensemble, son véritable domaine ».

Or, c’est précisément cette vue d’ensemble que nous offre le présent travail dont l’histoire me paraît singulièrement suggestive, car devant se limiter tout d’abord à l’étude des chorals, la force des choses l’a peu à peu entraîné jusqu’à embrasser l’œuvre entière.

Ce travail est né des hasards d’une conversation.

Il y a quelques années, je recevais assez souvent la visite d’un jeune Strasbourgeois, docteur en philosophie et maître de conférences à la Faculté de Théologie, en même temps que musicien passionné, exécutant habile. Il venait me demander conseil sur l’interprétation des maîtres, se mettait à l’orgue, et je l’écoutais ; puis nous discutions. Comme