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AVANT-PROPOS

J’avais dix ans quand je fis connaissance avec les chorals de Bach. M. Eugène Münch, l’organiste de l’église St Étienne de Mulhouse, m’emmenait à son orgue tous les samedi soirs, quand il allait s’exercer pour l’office du lendemain. C’est avec une émotion profonde que je suivais les sons mystérieux qui allaient se perdre dans la vaste nef sombre.

Les souvenirs de ces premières et profondes émotions artistiques me sont revenus quand j’ai entrepris d’écrire le chapitre sur les chorals. Certaines phrases m’arrivaient toutes formées au bout de la plume, et je m’aperçus alors que je ne faisais que répéter les mots et les images par lesquels mon premier maître d’orgue m’avait ouvert la compréhension de la musique de Bach.

J’ai la douleur de ne pouvoir lui exprimer ma reconnaissance : il a été enlevé, dans la fleur de l’âge, à sa famille et à ses amis.

Voilà dix ans que son frère, M. Ernest Münch, m’a associé, en qualité d’organiste, à la belle tâche qu’il a entreprise : faire entendre l’une après l’autre toutes les œuvres vocales de Bach avec le chœur de l’église St Guillaume de Strasbourg. Toute grande œuvre d’art, comme toute grande idée, a besoin d’une certaine atmosphère d’enthousiasme pour se révéler dans toute sa beauté : les chanteurs du chœur de St Guillaume, si dévoués à la cause de Bach, avec leur vaillant directeur, ont créé cette atmosphère autour de moi.