grette de dix louis — vestiges des beaux
jours. Mais, les mains sont sales, la figure
sans poudre. Et les yeux s’éteignent de plus
en plus tout en s’agrandissant, ils se cernent
de rides. L’allure devient fantasque, tantôt
lente, écrasée, tantôt rapide, exubérante.
La femme chante des mots sans suite, elle
entame un air, l’abandonne, en reprend un
autre. Elle ne pense même plus à allumer le
client, à chercher du pain. Elle mange à
peine — tous les deux ou trois jours. Si elle
se décide c’est qu’elle a besoin d’argent pour
acheter de la cocaïne, de la coco, comme on
dit à Montmartre.
Un soir, vers six heures, à l’apéritif, le calé est plein, l’on fume, l’on bavarde, l’on joue aux cartes, on lit les journaux du soir ; des filles promettent à leurs voisins les diverses joies du Paradis. Tout à coup, des cris s’élèvent : « Misérable ! Voleur ! Lâche ! » L’on se retourne : c’est la cocaïnomane qui attrape le chasseur : « Je te vendrai à la police ! Oui, je vais te dénoncer ! je vais appeler un agent ! »
Le gérant intervient, l’on s’informe. Il paraît que la pauvre femme réclame de la drogue, mais qu’elle n’a pas le sou pour payer. D’où refus de l’autre de lui en donner. Or, elle ne peut s’en passer. Ses nerfs sont à