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lienne, s’il ne vous a été donné de l’entendre sous le ciel du pays qui l’inspire.

Combien de fois ai-je pensé à vous, au théâtre de la Scala, à Milan, alors que j’étais ravi de — Rossini !!! et encore bien plus de la Pasta, à laquelle je n’ajoute aucune épithète, par respect et presque par adoration. Souvent à Leipzig, dans une salle de concert, nous avons frissonné ensemble d’admiration, troublés par le Génie de la musique ; mais, en Italie, j’ai appris à l’aimer et, un certain soir de ma vie, il me semble que Dieu se montrait à moi et qu’il m’accordait visiblement, avec douceur, la grâce de le contempler pendant quelques instants ! Et c’était à Milan, alors que j’entendais la Pasta, et — Rossini ! Ne riez pas, mon maître, car c’est la vérité. Ce fut, d’ailleurs, la seule fois où j’éprouvai la jouissance que peut donner cette musique sous le ciel de l’Italie, musique qu’on peut à peine écouter, mais qu’ils raclent négligemment avec une vulgarité et une ardeur réunies qu’on ne saurait se figurer.

Je ne vous conterai aucun autre détail sur un voyage qui fut pour moi si nouveau et si intéressant ; je réserve cela pour d’autres temps où je pourrai causer et rire avec vous.

Schubert est toujours « mon unique Schubert à moi » ; il a cela de commun avec « mon unique Jean-Paul ». Quand je joue du Schubert, il est à moi ; il en est de même quand je lis un roman de Jean-Paul. J’ai joué dernièrement le rondo à quatre mains op. 107, que je range parmi les premières compositions de Schubert. Il me fait penser, tantôt à quelque chose comme une tranquille chaleur d’orage, tantôt à une