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de leur exécution, de la sécheresse de leur jeu gémissant et bruyant. Il ne faut songer ni au style, ni au son, ni au chant et, quant au travail : mécanisme des doigts, recherche du son, etc…, de leur vie ils n’en ont entendu parler ! Un d’entr’eux m’a joué un concerto en ut mineur ; il le joua proprement, sans faute, avec une précision d’aïeul et un consciencieux rythme de marche. Je lui fis les compliments qu’il méritait, mais comme je le lui jouai ensuite, il me dit qu’il jouait aussi correctement que moi, mais que moi, je faisais entendre tous les timbres, comprendre les entrées de violon, etc… Je le regardai dans les yeux en riant, je cherchai les « Exercices des doigts, de Herz, » et lui dis de faire, pendant une semaine, une heure de ces exercices, chaque jour, et de venir ensuite me rejouer le concerto. Il suivit mon conseil : au bout de quelques temps, il revint ravi, enthousiasmé, m’appelant « le bon génie qui était venu à son secours » ; après quoi, il exécuta de nouveau le concerto, et, véritablement, dix fois mieux.

Je travaille maintenant le dernier mouvement delà sonate en fa dièze mineur de Hummel, une œuvre titanesque, réellement grande et épique, qui donne bien l’idée d’un esprit prodigieux, lutteur, résigné. Ce sera la seule œuvre que je jouerai devant vous, à Pâques, et qui marquera la mesure de vos critiques sur mes progrès.

Depuis quinze jours, je suis plus pauvre de quelques napoléons, mais plus riche en connaissance du monde et en élévation de cœur, grâce aux souvenirs bénis d’un voyage en Suisse et en Italie. On ne se doute pas, grand Dieu ! de ce qu’est la musique ita-