Page:Schröder-Devrient - L’Œuvre des Conteurs Allemands - Mémoires d’une chanteuse Allemande, 1913.djvu/96

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


93
MÉMOIRES D’UNE CHANTEUSE ALLEMANDE


palpa ses seins, puis il se jeta sur elle et s’accoupla grossièrement avec elle. Autant celui-ci avait été aimable et tendre, autant celui-là était brutal, violent. Il était trop la brute. J’aurais voulu détourner mes yeux, je ne comprends pas encore ce qui m’en empêchait. Les paroles qu’ils échangeaient tous deux étaient encore plus écœurantes. Ils avaient des mots pour tout ce que je n’avais encore jamais entendu désigner. Enfin, la crise mit fin à ce flot d’ordures. J’étais fatiguée d’avoir suivi des yeux ce dégoûtant spectacle. J’avais peur de bouger pour ne pas révéler ma présence, et ainsi je fus forcée d’assister encore aux menées de la fille qui excitait le cocher par les gestes et par les mots les moins féminins. Lui semblait en avoir assez, il n’était pas pressé de répondre à ses désirs. Enfin elle l’y contraignit. Cela dura beaucoup plus longtemps que la première fois. Elle accompagnait chaque mouvement d’exclamations qui trahissaient son plaisir mais qui n’en étaient pas moins infâmes.

J’étais riche d’une nouvelle expérience ; laide, elle m’avait montré l’envers de ce que mon imagination ornait des charmes de la plus haute poésie. Quelle différence entre l’assouvissement de leur brutal désir et l’union tendre et intime de deux êtres bien élevés ! Que restait-il à la chose si on lui enlevait la tendresse, la crainte, la spiritualité ! Il ne pouvait pas être question d’amour, pas même d’inclination entre eux ! Il était depuis quinze jours chez nous et ce que je venais de voir n’était probablement pas la première fois. Elle avait cédé au nouvel arrivant les droits du