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L’ŒUVRE DES CONTEURS ALLEMANDS


Si l’on voulait analyser la soi-disant vertu de la majorité des femmes, on arriverait à des résultats édifiants ! Je me suis fait un devoir d’être sincère envers vous, mais je crois que la majorité des femmes sont difficilement sincères, car la ruse et la feinte font partie de notre nature. Si l’on pouvait éviter magiquement les suites fatales, il n’y aurait plus de filles vertueuses. Toutes essayeraient par simple curiosité, et jouiraient autant de leur propre penchant que de la volupté de l’homme.

Avant de quitter la maison paternelle et de m’engager sur la voie pleine de ronces, mais aussi pleine de joie, d’une actrice, j’eus l’occasion de connaître l’envers de la médaille. Mes parents avaient aussi une ferme, des vaches, une basse-cour et un grand verger. Les poules et les pigeons étaient de mon domaine, c’est à moi qu’incombait le soin de leur nourriture. Le poulailler touchait à l’étable et n’était séparé que par une cloison de planches de la grange où s’entassait le fourrage. Je m’y trouvais un matin quand, le cocher, depuis seulement quinze jours à notre service, entra dans l’étable en poussant la servante dans la grange. Elle ricanait, laide, sale, dégoûtante. Elle se débattait tant soit peu et s’abandonna aussitôt qu’il l’eut renversée dans le foin. J’étais debout, derrière la cloison, et je les observais par un trou. Je voudrais ne pas les avoir vus, car l’on ne peut pas s’imaginer un plus laid contraste avec tout ce que j’avais vu jusqu’alors. Sans aucune tendresse et sans s’attarder aux jeux préliminaires, il troussa la fille,