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L’ŒUVRE DES CONTEURS ALLEMANDS


du fruit défendu ne ferme pas, mais ouvre les portes du paradis.

Vous pensez bien que je ne fis pas toutes ces réflexions en rentrant, si lourdement changée, chez mes parents. Elles sont le fruit de mes expériences ultérieures. Encore enfant, je m’étais trouvée dans l’alcôve de la chambre à coucher de mes parents ; je revenais de chez mon oncle jeune fille, quoique n’étant plus dans mon intégrité première. J’étais autre et le monde autour de moi avait changé. Un voile était tombé de mes yeux. Tout était dans une autre lumière, hommes et choses. Je comprenais des choses que je n’avais jamais remarquées auparavant. Le hasard m’avait aussi mise en garde contre le gâchage de ces précieux biens. Mon cousin m’avait fait craindre les excès. Son pâle visage, ses yeux éteints, la mine entière du jeune pécheur m’avaient montré le sort de ceux qui s’adonnent avec trop d’emportement aux jouissances secrètes. Je n’ai jamais craint de recourir à elles, mais je ne l’ai jamais fait au prix de ma santé et de ma gaieté. Oui, si j’avais été un homme, je ne m’y serais peut-être jamais livrée ; car les hommes n’ont pas les mêmes excuses pour ces jeux secrets que les filles, les femmes et les veuves. Ils ne sont pas aussi contraints, aussi liés que les femmes, qui n’osent pas faire un geste, échanger un regard, goûter ouvertement à ces choses, sans risquer leur honneur et être immédiatement la proie des mauvaises langues. Nous devons toujours feindre l’indifférence ; quand nous voulons agir ouverte-