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MÉMOIRES D’UNE CHANTEUSE ALLEMANDE

J’éprouvais tout cela à quatorze ans, et mon corps n’était pas encore mûr ! Oui, et cela n’a jamais altéré ma santé et n’a pas diminué les riches réjouissances de ma vie. Mon cousin m’avait appris à redouter les excès et les prostrations qui en suivent. Grâce à mon caractère raisonnable, je ne dépassai jamais la mesure. Je soupesais toujours les suites qui pouvaient arriver, et une seule fois dans ma vie je m’oubliai assez pour perdre ma maîtrise et ma supériorité. J’avais appris de bonne heure que, d’après les lois de la société, il fallait jouir avec mille précautions pour le faire sans préjudices. Celui qui se heurte avec entêtement à ces lois nécessaires s’y assomme, il n’a que longs remords pour de courts instants de jouissances. Il est vrai que j’ai eu la chance de tomber, dès le commencement, entre les mains d’une jeune femme expérimentée. Que serait-il advenu de moi si un jeune homme s’était trouvé dans mon entourage et m’avait entreprise avec adresse ? Grâce à mon tempérament et à ma curiosité, je serais un être perdu. Si je ne le suis pas, je le dois aux circonstances dans lesquelles ces choses me furent révélées. Elles sont exquises autant qu’elles sont voilées. Et pourtant elles forment le centre de toute activité humaine. Avant de commencer ma troisième lettre, je remarque encore que, peu de temps après mes relations avec Marguerite, se montrèrent pour la première fois les signes de complet développement de mon corps.