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L’ŒUVRE DES CONTEURS ALLEMANDS


j’étais toujours si maladroite et si inexpérimentée que Marguerite devait s’agiter elle-même pour cueillir le fruit de sa dissimulation. C’est ce qu’elle faisait aussi et je tenais maintenant le rôle que mon père avait eu quand ma mère était active et lui immobile. Marguerite approchait, haletante et tremblante, elle se jetait passionnément sur ma chevelure, elle baisait mes cheveux jusqu’à la racine. Au début, ses baisers étaient tièdes et humides, bientôt ils furent brûlants et secs. Maintenant elle poussait des petits cris inarticulés et mon front fut tout à coup pressé dans un baiser très chaud. Je compris qu’elle était arrivée aux dernières limites de son plaisir. Son excitation se calma aussitôt, elle s’étendit immobile à mes côtés et respirait avec peine.

Tout m’avait réussi. Le hasard et ma ruse m’avaient été propices. Je voulais mener cette intimité jusqu’au bout, coûte que coûte. Quand Marguerite revint à elle, elle était très gênée. Elle ne savait comment m’expliquer sa conduite et me cacher sa volupté. Mon immobilité la trompait. Elle pensait que j’ignorais encore tout de ces choses. Elle réfléchissait à ce qu’elle devait faire, à ce qu’elle devait me dire pour que l’aventure n’eût pas de suites fâcheuses quant à sa position dans la maison de mon oncle. Elle voulait me tromper sur le caractère de la douleur qu’elle avait feinte. Moi aussi j’étais indécise sur ce que j’allais faire. Devais-je faire semblant d’être ignorante ou justifier ma conduite en lui avouant ma curiosité ? Si je faisais l’ingénue, elle pouvait facilement me tromper et me