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L’ŒUVRE DES CONTEURS ALLEMANDS


t’aime » ou autre chose ; mon cousin, par contre, était laid, grotesque, semblait flétri. Je comprenais très bien ce que Marguerite faisait, car une jeune fille est toujours forcée de se livrer secrètement à ses sentiments et à ses jouissances. D’ailleurs elle l’avait fait avec enthousiasme, avec vivacité et passion ; mon cousin, par contre, s’y était livré machinalement, sans poésie, las et animalement. Qu’est-ce qui pouvait pousser un jeune homme sain et robuste à s’adonner à une passion aussi misérable, alors qu’auprès de tant de femmes et de filles il aurait pu se satisfaire beaucoup plus facilement ?

Je me sentais comme personnellement offensée, frustrée de quelque chose. Si avec un peu d’adresse il s’était adressé à moi, je lui aurais probablement fait tout ce que ma mère avait fait à mon père, ce qui l’avait ravi.

J’avais appris bien des choses. J’en tirai de justes conclusions. Je n’avais plus besoin que de l’initiation de Marguerite pour être complètement éclairée. Je voulais absolument savoir pourquoi on cachait si soigneusement ces choses ; je voulais savoir ce qui était dangereux, ce qui était défendu, et voulais goûter moi-même ces voluptés dont j’avais vu les éclats.

La nuit tombait. Un lourd orage se préparait. À dix heures, au premier coup de tonnerre, nous allâmes tous nous coucher. Ma petite cousine couchait dans la chambre de ses parents ; j’étais donc seule avec Marguerite. J’observais très attentivement tout ce qu’elle faisait. Elle verrouilla la porte, ouvrit sa sa-