ment rare. La beauté est toujours l’apanage des êtres
sains et forts, et fort peu de personnes restent ainsi
jusque dans l’âge mûr : les maladies, les soucis, les
passions, les vices trop communs dans la société
humaine ont pour premier effet de détruire en partie
la force et la beauté dès que la jeunesse, ce printemps
de la vie tire à sa fin. Ma mère s’agitait doucement et
souriait encore. À chaque parole on eût dit que leur
volupté grandissait. Malheureusement, je ne voyais
pas le visage de mon père ; mais à ses mouvements, à
ses exclamations comme aux frissons qui parcouraient
ces deux êtres si bien faits pour vivre ensemble, je
sentais bien que l’ivresse les gagnait. Mon père
bientôt ne parlait plus. Ma mère, par contre, poussait
des paroles incohérentes, à peine intelligibles, mais
qui me permettaient néanmoins de saisir ce qui se
passait entre eux :
— Ne nous quittons jamais, mon seul aimé ! Que la mort même nous accueille nous tenant par la main. Non, jamais. Ah ! comme tu es fort, comme tu es bon ! Je t’aime plus encore aujourd’hui qu’au temps de nos fiançailles. Dis-moi, le souvenir de ce temps-là doit te faire plaisir ! Et toi, m’aimes-tu toujours comme en ces temps bénis où tu m’avouais ton amour ? Oh ! cher compagnon de ma vie, dis-moi que je suis ta compagne chérie et que jamais, même un seul instant, tu n’as cessé de m’aimer comme au premier jour, celui où tu m’apportas ce joli bouquet de pensées et de myosotis !
Mon père ne disait toujours rien. Il souriait avec