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MÉMOIRES D’UNE CHANTEUSE ALLEMANDE


main deux petites filles misérablement vêtues et pieds nus. Il les mena dans un endroit que je connaissais bien et qui était un des plus retirés du parc. Je compris immédiatement que c’était un débauché qui voulait séduire ces pauvres enfants, ce qui n’est pas rare à Londres.

Je fis signe à un agent de ville qui passait justement et je lui dis ce que je venais de voir. L’agent se précipita vers l’endroit indiqué et disparut dans la verdure. Bientôt il réapparut en compagnie du monsieur, dont la toilette était légèrement en désordre. Je pris ma lorgnette et je suivis des yeux ce qui se passait dans le parc. L’agent se disputait avec l’homme, les petites filles étaient tout autour, des enfants de cinq à neuf ans ; elles aussi parlaient fiévreusement. L’une d’elles alla vers la plus petite et désigna le monsieur. Elle aurait poussé plus loin sa démonstration si le sergent de ville ne l’en avait empêchée. Un groupe se forma, j’entendis des promeneurs crier : « Take him in charge. (Arrêtez-le.) » Un second agent arriva et le groupe s’éloigna dans la direction du poste de police de Marylebone.

Quelques jours plus tard, nous lûmes le nom de ce gentleman dans le journal. L’agent qui l’avait arrêté et les petites filles étaient les témoins à charge. Le cas était assez intéressant. Nous assistâmes aux débats. Ce que les petites racontaient était assez piquant. L’accusé ne fut pourtant pas condamné. C’était un riche commerçant. Il se retira, après avoir été vertement semoncé par le juge.