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MÉMOIRES D’UNE CHANTEUSE ALLEMANDE


les Italiens ne s’occupent pas de sa vie passée, ils ne sont pas tant scrupuleux. Aucun homme ne compte sur une vierge si la fiancée a plus de quinze ans.

À vingt-sept ans, j’atteignais l’apogée de ma beauté. Ceux qui m’avaient connue à Vienne ou à Francfort me certifiaient que j’étais beaucoup plus belle qu’à vingt ou vingt-deux ans.

J’avais une nature robuste et puissante. Mon tempérament était de fer, mais j’avais la force de maîtriser mes désirs quand je voyais que les plaisirs de l’amour attaquaient ma santé. À Francfort, j’avais passé deux années de chasteté ; après avoir quitté Budapest, je restreignis même mes relations avec Rose. Celle-ci ne me provoquait jamais. Elle semblait partager tous mes sentiments. Notre accord était aussi parfait que celui des deux jumeaux siamois. Je tenais un journal. Comment pourrais-je, si je ne l’avais pas fait, vous raconter ainsi ma vie dans tous ses détails ! En feuilletant, j’y trouve qu’après ma liaison avec Ferry, qui dura dix mois, je partageai, dans l’espace de cinq ans, soixante-deux fois les plaisirs avec Rose, en moyenne une fois par mois. N’est-ce pas le « nec plus ultra » de la tempérance ? Et durant cette époque, je n’accordai pas la moindre faveur à un homme. J’étais en bonne santé, je vivais bien, je soignais mon corps et ne commettais aucun excès.

À Florence, je fis la connaissance d’un homme très intéressant, de cet Anglais dont je vous ai déjà parlé. Ce n’était plus un jeune homme, il comptait déjà cinquante-neuf ans. Je pouvais parler de tout avec lui, il