Page:Schröder-Devrient - L’Œuvre des Conteurs Allemands - Mémoires d’une chanteuse Allemande, 1913.djvu/231

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


228
L’ŒUVRE DES CONTEURS ALLEMANDS


de Ferry. Il s’excusa de me rendre visite et je le priai de rester. Il me fit un brin de cour, c’est-à-dire qu’il loua ma voix et mon chant, dit que j’avais une belle figure pour le théâtre, que mes toilettes étaient de très bon goût, etc., etc., mais ne parla pas d’amour. Il était simple, poli, sans être importun ou commun. Je résolus de faire sa conquête avant que les belles dames de la société ne se l’arrachassent. Aussi je mis en œuvre toute ma coquetterie, pensant le gagner rapidement. Comme il me demandait la permission de me visiter chez moi, je pensais l’avoir déjà conquis, mais je fus bientôt détrompée.

Nous parlâmes aussi d’amour, mais très généralement. Quoique ses yeux fussent éloquents, sa langue restait muette. Et si ses paroles me laissaient entendre que je ne lui déplaisais point, il ne me pria jamais de lui témoigner la moindre faveur. Quand il me pressait les mains en arrivant ou en me quittant, il le faisait nonchalamment, sans y attacher la moindre signification.

Enfin, je l’amenai quand même à me parler de ses amours passées. Je lui demandai s’il avait fait beaucoup de conquêtes et s’il avait déjà été sérieusement amoureux.

— J’aime le beau où je le trouve, me dit-il. Je trouve que c’est une injustice de me lier à une seule personne. Je trouve, en théorie, que le mariage est l’institution la plus tyrannique de la société. Comment est-ce qu’un homme d’honneur ose promettre ce qui ne dépend pas de sa seule volonté ? En général, on ne