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L’ŒUVRE DES CONTEURS ALLEMANDS


flattais qu’il en serait peut-être ainsi. Cela eût été douloureux, si ça n’avait pas été exquis.

J’étais maintenant sûre du résultat. Le frisson le plus voluptueux parcourait tous mes membres. Je le ressentais surtout dans la tête, puis aux pieds, dans les orteils. Mes yeux étaient tout grands ouverts et les larmes jaillissaient si impétueuses qu’il crut — ainsi qu’il me l’avoua plus tard — que c’était l’eau du bassin et non mes larmes. Ce frisson excita chez lui le même frisson et je sentis le tremblement me gagner, qui ne voulait pas finir. Nous tremblions tous deux, non pas de froid, mais à cause de ce frisson singulier et profond qui nous parcourait de la nuque au bout des orteils. Enfin son courant électrique me traversa de part en part. Nous étions serrés l’un contre l’autre, incapables de dire un mot, sans pensée, abîmés dans un lourd rêve d’amour. J’aurais voulu rester ainsi toute une éternité, jusqu’à la mort. Mourir ainsi serait l’extrême béatitude.

Le vent nous apportait le carillon de l’église de Sainte-Thérèse. Il sonnait minuit. Je dis à Arpard qu’il était l’heure de rentrer en ville, que nous pourrions reprendre nos jeux à l’hôtel. Il m’obéit immédiatement. Il me pria de bien vouloir lui permettre de me porter dans ses bras, comme un enfant, jusqu’au bord. Il me prit dans ses bras, je lui nouai les miens autour du cou et il me porta jusqu’au banc où étaient mes habits. J’enfilai tout de suite mes bas, il noua mes bottines en embrassant continuellement mes genoux et mes mollets. Enfin nous fûmes prêts