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MÉMOIRES D’UNE CHANTEUSE ALLEMANDE


instant, je sentis que j’étais hors de moi. L’extase nous ravissait l’un et l’autre dans des régions éthérées où il me paraissait que nul n’avait voyagé avant nous et où cependant tout était préparé pour nous recevoir. Arpard léchait mes mains et baisait les ongles de mes doigts. Ainsi que je vous l’ai dit, personne ne lui avait appris ces choses : la nature seule le conduisait, il suivait ses inspirations.

Un incendie intérieur nous poussait à d’autres plaisirs. Nous réfléchissions tous les deux comment nous y prendre. Ma raison avait abdiqué. Je ne craignais plus rien. Et si quelqu’un était venu me dire que le déshonneur m’attendait, que j’allais être engrossée, que j’allais accoucher et mourir ; et si d’autres étaient venus nous entourer pour se moquer de nous, j’aurais continué ce jeu d’amour, je leur aurais crié mon bonheur, je n’aurais ressenti aucune honte. J’étais l’esclave de mes désirs, j’étais entièrement soumise.

L’extase dura quelques minutes. Après nos caresses réciproques, mes feux devenaient chaque seconde plus ardents. Et lui était dans le même état.

Mes yeux allaient de son visage à ses mains puissantes, de celles-ci au paysage inanimé ; ils erraient sur la surface des eaux, à peine déchirée par quelques rares broussailles. La lune se reflétait dans l’eau, qui se ridait par endroits quand un petit poisson sautait. J’aurais voulu m’y tremper avec Arpard, prendre un bain de fraîcheur et de volupté ! J’étais une bonne nageuse. J’avais pris des leçons de natation à Franc-