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MÉMOIRES D’UNE CHANTEUSE ALLEMANDE


elle me déclara que des affaires de famille l’obligeaient de quitter Baden plus tôt que de coutume. Ainsi elle mettait fin à ma liaison avec le prince, mais rompait aussi toute relation avec lui, car elle n’osait pas le recevoir dans sa maison à Vienne. Ainsi il est bien vrai que la jalousie, le besoin de supprimer une rivale vous fait accepter les plus durs sacrifices. Entre dames du haut monde, aucune explication n’a lieu quand il s’agit de ces choses ; et ainsi il n’y en eut pas entre Roudolphine et moi. Pourtant je lui fis sentir que je connaissais la raison de son changement de conduite, et que c’était la jalousie. Cette remarque ne contribua point à ranimer nos anciens sentiments, et nous qui avions été si longtemps inséparables, nous nous séparâmes avec une froideur à peine contenue. Mais n’est-ce pas le cas de toute amitié féminine ? Celle-ci, aussi généreuse qu’elle puisse être, ne résiste jamais au premier givre de la jalousie !

Je retournai donc avec Roudolphine à Vienne. Comme je ne lui rendais que très rarement visite, je ne vis que très rarement le prince. Celui-ci avait tâché de m’approcher et m’avait priée de lui permettre de venir me voir ; je dus le lui refuser. Je prenais trop garde à mon honneur pour risquer ainsi de me compromettre. D’ailleurs, même si je l’avais voulu, il m’eût été impossible de lui accorder un rendez-vous, comme il le désirait. Ma tante me surveillait très étroitement, et même si j’étais arrivée à la duper, une actrice, qui par son métier prend un caractère public,